« on est capable d'envoyer des avions supersoniques et des fusées dans l'espace, d'identifier un criminel à partir d'un cheveux ou d'une minuscule particule de peau, de créer une tomate qui reste trois semaines au réfrigérateur sans prendre une ride, de faire tenir dans une puce microscopique des milliards d'informations. on est capable de laisser mourir des gens dans la rue. »

▬ BRONX, 2004.

Faisant abstraction du discours que tenait la maîtresse, je griffonnais sur un bout de papier. La tête posée contre la main, mon esprit n'était plus dans cette salle de classe. Je me voyais plus vieille sur scène, applaudit de tous. Je rêvais d'un avenir meilleur. En attendant ce fut la sonnerie de fin des cours qui me remit les idées en place. Nous réunions tous nos affaires dans nos sacs et quittions la salle dans un brouhaha infernal. Je marchais seule à travers les couloirs. Devant l'école, des petits groupes s'étaient formés. Tous discutaient avec aplomb. Seule, je m'éloignais d'un pas rapide, en direction de la maison. Je n'étais pas de ce genre de filles sociables, amies de tous, populaires et adulées. J'étais seulement cette pauvre fille qui ne parlait jamais à personne et qui passait la plus grande partie de son temps dans son coin. Je n'avais pas besoin d'eux. La solitude ne me dérangeait en aucun cas. Après tout je n'avais que neuf ans, ces personnes ne seront pas celles avec qui je me trouverais vingt ans plus tard, lorsque ma vie aura pris tout son sens. Je montais les marches deux à deux, courant presque dans les virages à chaque étage. Je passais le pas de la porte sans accorder la moindre attention à mes parents qui se trouvaient dans le salon, et me faufila directement dans ma chambre. Je me laissais tout d'abord m'écrouler sur mon lit, fixant de longues minutes le plafond. Une façon pour moi de me mettre en condition. Puis, d'un tiroir de mon armoire, je sortis une paire de chausson de danse que j'avais déniché au rabais dans une boutique. Ce jour-ci je n'avais pas déjeuné, puisque l'argent que maman m'avait donné avait servit à acheter mes chaussons. Assise sur mon lit, je les enfilais soigneusement. J'y faisais plus attention qu'à la prunelle de mes yeux. Debout, je me dirigeais vers le miroir et un sourire aux lèvres je m'élançais. Échauffement. Première, seconde, troisième, ... , mes bras et mes jambes étaient tous en mouvement. Puis alors que je tentais de tournoyer, mes pieds tapaient le sol avec bruit. Je m'arrêtais net, de peur de me faire prendre. Puis, alors qu'ils ne semblaient pas bouger du salon, je reprenais mon entrainement. Mes parents n'avaient jamais eu assez d'argent pour m'offrir une activité extra scolaire. Avant de connaître la danse, j'aurais tant aimé apprendre à jouer du piano. Mais il aurait fallut payer les cours en conservatoire, plus le solfège et le clavier à la maison. Il était inconcevable qu'ils acceptent une choix comme celle-ci, alors je me suis tût. Aujourd'hui encore je ne parle en rien de ma nouvelle découverte. Ce serait risquer de voir tous mes rêves s'anéantir en quelques secondes. Je reproduisais encore et encore ces pas que j'avais recherché dans les livres à la bibliothèque. Je les faisais des dizaines de fois avant d'atteindre mon but. La perfection. Je savais que j'en étais bien loin mais il me semblait que plus je m'entraînais et plus je m'en approchais. Parfois même, je risquais de la toucher du bout des doigts avant de retomber à terre et de me rendre compte que jamais je n'y parviendrais. Obstinée, je me relevais et recommençais. Jamais je n'avais mis autant de coeur à l'ouvrage, je voulais danser et j'y parviendrais.

Les yeux fermés, je ne m'observais plus à travers le miroir. Me lançais aller au grés des pas, je me sentais libre. Aérienne. Il n'y avait que dans ces moments là que je me sentais réellement vivante. J'étais bien, dans mon monde. Rien ne semblait pouvoir troubler ma petite bulle. Pas même tous ces cauchemars qui se déroulaient en direct à l'extérieur du bâtiment. Seulement ce qui aurait dû arriver depuis bien longtemps se produisit enfin. Maman débarqua dans ma chambre, je ne l'avais pas entendu arriver. Elle affichait se regard étonné qui trahissait une once de colère. Je n'eu pas le temps de me cacher ou même de me justifier qu'elle m'empoignait par le bras et m'emmenait de force jusqu'au salon. Mon coeur battait à cent à l'heure, j'allais passer un sale quart d'heure, si ce n'était plus. Je viens de prendre notre fille en train de virevolter à travers sa chambre au lieu de faire ses devoirs! Dis-lui toi Marco que si elle veut réussir ce n'est pas en faisant la folle qu'elle y parviendra. Je baissais les yeux, évitant tout contact avec mon père. Assis sur le canapé, il devait certainement se mordre la lèvre, nerveusement. Il laissa tout de même quelques secondes de silence, installant ainsi une pression supplémentaire. Danser n'est pas un avenir certain Lourdes. Si tu continue à t'amuser ainsi c'est derrière une caisse du supermarché du coin que tu finiras ta vie. Tuée une balle dans la tête lors d'un braquage. Est-ce vraiment ça que tu veux ? Je hochais la tête, mais la pression de la main de ma mère se fit plus forte, m'insitant à répondre de vive voix. Non papa... Maman me lâchait enfin et je relevais la tête en direction de mon père. Il se leva du canapé et s'approcha doucement de moi. Sans dire un mot je le fixais avec intérêt, attendant la suite de mon sermon. Je ravalais constamment les larmes près à se faufiler au creux de mes yeux, tout au long de ma joue. Ta mère et moi comptons érnormément sur toi. Nous savons que tu es capable de réussir, contrairement à nous. Il te suffit juste de travailler et tout ira pour le mieux. Les meilleures écoles ne sont pas gratuites, il te faudra être assez douée pour décrocher une bourse. Tu es notre unique enfant et nous voulons ce qu'il y a de mieux pour toi. La danse n'est que futilité, tu t'adonneras à ce loisir une fois bien lotie. La danse n'est pas un loisir, papa, c'est un sport et ma passion. Je sais que vous ne comprendrez pas mon choix, mais c'est de la danse que je veux faire mon métier. Croyez le ou non je ne serais jamais assez douée à l'école pour réussir. La danse est ma vocation et je sais que si je m'entraîne assez je saurais vous rendre fière et ... Papa posa son doigt sur ma bouche, me priant de m'arrêter dans ma tirade. Je le regardais, les yeux pleins d'espoirs. Mais ils s'envolèrent à jamais lorsqu'il prononça ces quelques mots. Retournes donc dans ta chambre travailler tes tables de multiplications. Mes lèvres se mirent à trembler et c'est d'une voix brisée que je murmurais un léger d'accord, avant de tourner les talons et me presser jusqu'à ma chambre. La porte claqua sans même que je m'en rende compte et ce n'est pas derrière mon bureau que je m'installais, mais au fond de mon lit. La tête contre l'oreiller je pleurais en sourdine. Les larmes coulaient le long de mes joues et venaient mourir au creux de mes lèvres. Mon coeur meurtris semblait cesser petit à petit de battre. Je me sentais dépérir à l'idée de renoncer à mes rêves.

Une petite voix au fond de moi se creusa ensuite un chemin jusque mon esprit. Elle me murmurait des mots doux à l'oreille et me caressait les cheveux de ses belles paroles. Elle me disait qu'ils n'avaient en rien à décider à ma place, que si je voulais vraiment gagner ma vie en dansant c'est ce que je ferais. Un instant je crus parler à moi même, mais la seconde d'après, alors qu'elle avait disparut, j'étais persuadée qu'elle avait vraiment existé. Elle avait raison et ce qu'elle venait de me dire m'avait requinqué. Je serais une grande danseuse, j'en étais capable. Si je le voulais suffisamment et que je faisais tout pour, ce rêve si merveilleux finirait par se réaliser. On s'arracherait pour m'avoir au sain de sa troupe et lorsque mon nom apparaîtra en première ligne d'une pièce, tout le monde se précipiterait pour me voir danser. Je serais cette étoile filante, cette fille au parcourt atypique qui attirerait les foules. On m’acclamera et je me sentirais vivre, pleinement. Alors je me levais doucement de mon lit et m'installais sur ma chaise derrière mon bureau. Je sortais un cahier de mon tiroir et travaillait mes tables de multiplications. Un jour tout ceci arrivera, mais pas ce soir, ce soir je devais réviser.

« parfois on peut facilement avoir l'impression d'être le seul à souffrir en ce monde, d'être le seul à ne pas avoir ce qu'on veut, le seul à ne pas être heureux. mais cette impression est fausse. il suffit de tenir encore un peu, de trouver le courage d'affronter le monde encore une journée pour que quelqu'un ou quelque chose vienne tout arranger. parce qu'on a tous besoin d'aide, de temps en temps. »

▬ MANHATTAN, 2010.

« peut-être que nos blessures nous apprennent des choses, qu'elles nous rappellent d'où on vient et ce que l'on a surmonté, qu'elles nous apprennent ce que l'on doit éviter à l'avenir. c'est ce que l'on aime penser, mais ça ne se passe pas toujours comme ça. il y a certaines choses que l'on doit apprendre et réapprendre encore et encore. »

▬ PARIS, 2011.

« elle a des blessures au cœur, des blessures que personnes ne peut réparer, elle garde beaucoup de choses pour elle et contient toutes ses douleurs, jusqu'au jour ou elle craquera et tout s'effondrera. »

▬ MAANOSA, 2012.