« Mamaaaaaaaaaaan ! Jamie monte en haut de l’aaaaaaaaarbre ! »
La blondinette baissa les yeux et foudroya sa petite sœur. Winnie n’avait que sept ans et c’était la pire des petites pestes que l’univers ait jamais porté. Elle soupira. De toute façon, quoi qu’elle dise, ses parents donneraient toujours raison à Winnie. Ils avaient expressément exigé qu’elle joue avec sa sœur et ne la laisse pas, en cet après midi où ils recevaient du monde. Ce que, bien entendu, elle n’avait pas fait. Elle avait presque douze ans, qu’aurait elle donc fait de sa cadette ? En prime, sa meilleure amie n’était pas là. Elle s’ennuyait donc ferme.
« Jamie Wallen, descends immédiatement ! »
« C’est Zelda… » marmonna t’elle doucement avant d’entamer sa descente.
Sa mère la sermonna mais Zelda ne l’écouta que vaguement. Elle ne pouvait détacher son regard de Winnie, qui malgré son très jeune âge, jubilait de la voir réprimandée et même punie. Zelda ne fit aucune remarque, détestant un peu plus sa petite sœur après chaque seconde qui passait. Elles n’avaient jamais été proches, d’autant plus que Winnie était la préférée, et les années passant, cela ne s’arrangea jamais. Empira même.
____________
« Désolé bébé, je ne pourrais pas te rejoindre ce soir ! »Et c’était tout. Zelda rangea son téléphone et soupira. Parfois elle se demandait comment elle pouvait être amoureuse de cet idiot. Et pourquoi elle restait avec lui depuis presque quatre ans. La raison s’approchait en lui souriant au loin. Le jeune homme blond fut près d’elle et son sourire disparut. Il la connaissait mieux qu’elle-même et comprenait immédiatement quand ça n’allait pas. Il n’était pas son meilleur ami pour rien. Mais cela s’arrêtait là. Zelda était folle de lui mais Isaac ne semblait pas ressentir la même chose. C’était sans doute pour cela que, comme beaucoup, il lui avait préféré sa cadette, l’odieuse Winnie. Mais peu importait, il n’en restait pas son ami, à qui elle pouvait tout dire.
« Laisse moi deviner, Evan t’a encore posé un lapin. »
« Oui… »
La jeune femme s’abstint de tout autre commentaire. Il était inutile d’accabler Isaac. D’autant plus qu’en cette dernière année de fac, il lui avait appris que Winnie et lui s’étaient fiancés. Zelda avait pleuré des nuits entières, avant de se faire une raison. Ses sentiments finiraient bien par passer. Même si le voir si attaché à sa jeune sœur lui déchirait le cœur.
____________
Zelda regarda son ordinateur. L’inspiration ne venait pas. Ne venait plus. Isaac était en Iraq. Winnie ne semblait guère s’inquiéter, alors qu’elle-même n’arrivait quasiment plus à dormir. Ce matin là, en se réveillant, elle avait eu un mauvais pressentiment. Et lorsque son rédacteur en chef sortit en trombe de son bureau, blême, et alluma la télévision du grand bureau, elle sut que quelque chose avait mal tourné. Elle se leva à son tour et c’est alors qu’elle vit la photo d’Isaac sur l’écran. Elle mit une main sur sa bouche. Elle lut rapidement les lignes qui défilaient à vitesse grand V en dessous. Les circonstances étaient floues mais il était gravement blessé. Peut être même était il déjà mort. Se détournant de l’écran, elle attrapa son portable et appela Billy. Elle s’entendait extrêmement bien avec le jeune frère d’Isaac. Et elle ne voulait pas qu’il entende cette terrible nouvelle d’une autre personne qu’elle…
Des semaines s’étaient écoulées avant qu’il ne soit enfin rapatrié. Vivant. Les plus longues de toute sa vie. Zelda n’était pas allée le voir immédiatement. Elle avait rongé son frein trois jours, laissant Winnie, Billy et quelques amis aller le voir. Le quatrième, elle avait craqué. Dans tous les sens du terme. Le voir vivant l’avait tellement soulagée. Elle ne voulait pas pleurer devant lui, mais il était si pâle et semblait si faible. Pourtant, quand elle s’était assise près de lui, elle avait vu que la lueur malicieuse dans les yeux azur n’avait pas disparu. Elle avait pris sa main, avouant à voix basse et entre deux sanglots, qu’elle avait cru le perdre. Mais ne pouvant aller plus loin…
____________
Demoiselle d’honneur. Ça devait être une mauvaise blague. Ce genre de choses, on les demandait à sa meilleure amie. Pas à sa sœur aînée qu’on déteste et qui vous le rend bien. Zelda essayait de garder son calme, tandis qu’Isaac et elle attendaient Winnie depuis près de deux heures. La jeune femme avait organisé un dîner pour planifier le mariage. Le futur marié semblait aussi emballé qu’elle. Zelda regarda son ami. « Je crois qu’elle se fiche de nous ! » cracha t’elle sans même chercher à cacher sa haine tenace à l’égard de sa cadette. Enfin, un texto. Pour leur annoncer qu’elle ne viendrait pas, sans donner de raison. Elle dut lutter pour ne pas jeter son BlackBerry sur le trottoir. Isaac lui assura que ce n’était pas grave et l’invita à dîner. Cela faisait bien longtemps qu’ils n’avaient pas partagé un moment comme celui-ci. Rien qu’eux, à discuter et à rire, comme ils le faisaient quand ils étaient jeunes. Ils étaient restés toute la soirée, si bien qu’on avait du les mettre dehors. Isaac avait galamment offert de la raccompagner et Zelda n’avait pas su dire non. Il n’y avait que lui qui l’appelait Zelda, et elle en avait des frissons à chaque fois qu’il disait son prénom de sa voix veloutée. Pour les autres, elle était Jamie. Mais Isaac savait que Jamie, ce n’était qu’une façade, ce n’était pas elle. Leurs conversations et leurs fous rires avaient continué dans son appartement. Une chose en entrainant une autre, il l’avait embrassé. Elle savait bien que ce n’était que pour la nuit, qu’il allait épouser sa sœur. Pourtant, elle n’avait aucune envie de le repousser. Pire, elle n’avait même pas de remords à passer la nuit avec le fiancé de sa sœur, qui se trouvait être l’homme qu’elle n’avait jamais cessé d’aimer. Ils n’avaient même pas atteint le lit. Ils étaient restés sur le canapé. Elle n’avait pas dormi aussi bien depuis des années. La nuit avait été agitée, il fallait avouer. Elle n’avait ouvert les yeux que lorsqu’il s’était levé, la laissant sans son agréable chaleur. Il allait retourner près de Winnie, mais cruellement, elle était satisfaite d’avoir pu voler au moins cela à sa sœur. Tout en sachant qu’elle serait celle des deux qui en souffrirait le plus, car rien de plus n’arriverait.
Mais elle avait tort. Il y avait eu d’autres nuits. D’autres instants volés, jusqu’au travail où, parfois, il l’attirait dans un coin sombre pour simplement l’embrasser et la serrer contre lui. et puis un soir, il lui avait murmuré qu’il l’aimait. Zelda aussi l’aimait, mais elle n’avait jamais pu lui retourner la remarque. Il le lui disait à chaque fois. Cela aurait pu être malsain, mais ce n’était pas le cas. Cependant, elle était jalouse. Elle se refusait à le partager. Et un soir, elle finit par avouer qu’elle aussi l’aimait. Jamais elle ne l’avait aussi heureux qu’à cet instant. Mais elle posa une autre condition. Winnie ou elle. Le mariage n’était plus que dans un mois. « Si tu m’aimes, tu la quitteras. Quoi qu’il en soit, je ne veux plus te voir tant que tu ne l’auras pas quittée. » Et cela n’avait pas tardé. Zelda pensait qu’il ne ferait rien. Elle n’osait pas avoir espoir. Pourtant, son téléphone avait sonné, et la jeune femme avait failli perdre un tympan. Winnie la traitait de tous les noms. Les insultes étaient tout ce qu’elle avait compris. Et au vu des insultes, Isaac n’avait visiblement rien oublié.
____________
« Ce que tu peux être soupe au lait quand tu t’y mets ! T’as tes règles ou quoi ? »
Zelda releva brusquement la tête, fixant sa collègue. Elle n’avait pas ses règles, justement. Elle ne les avait pas eues depuis longtemps. Trop longtemps. Elle se laissa tomber sur son fauteuil. Comment avait elle pu ne pas le réaliser avant ? Les nausées, la poitrine douloureuse, les vertiges. Peut être l’absence de ventre.
« Je plaisantais. Ça ne va pas ? Tu es toute blanche… »
« Je crois que je suis enceinte. »
La photographe la regarda. Zelda n’avait pas vraiment prévu cela. Elle avait fort opportunément évité Isaac depuis qu’il avait quitté Winnie. Elle essaya de se souvenir d’à quand remontaient lesdites dernières règles. Elle se sentit paniquer quand elle réalisa que cela faisait plus de trois mois. Ce n’était pas exactement le bon moment pour avoir ce bébé. Sa sœur prenait un malin plaisir à lui pourrir la vie, et elle ne supportait plus les regards plein de reproches de ses parents, qui plaignaient la malheureuse Winnie. Elle avait fini par ne même plus aller voir ses parents, à ne plus répondre à leurs appels.